Page 83 - Fabio Gasti (a cura di), Seneca e la letteratura greca e latina. Per i settant’anni di Giancarlo Mazzoli, Pavia, Pavia University Press, 2013
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Conservi: Petron. 70,10-71,1 et Sen. epist. 47 71
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est peuplée d’esclaves accomplissant les diverses tâches du service; et en particulier on
retrouve dans les deux textes, semblablement mis en valeur, l’esclave découpeur.
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Sénèque décrit avec précision ses gestes à la fois habiles et dérisoires, tandis que
Pétrone en fait le centre d’un épisode du repas: le découpeur de Trimalcion a été nommé
Carpus, ce qui permet à Trimalcion, par un jeu de mots d’une consternante pauvreté, de
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l’appeler et de lui donner l’ordre d’accomplir sa tâche en une même parole. Certes, la
présence d’esclaves spécialisés dans le découpage des volailles était courante dans les
maisons luxueuses, et Juvénal en décrit à son tour les gestes savants, semblables aux
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figures d’une danse. Mieux encore, Sénèque atteste dans le De vita beata qu’il comptait
lui-même dans sa domesticité un tel spécialiste, et qu’on le lui reprocha, comme un signe
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de luxe indigne de sa philosophie. Reste que la présence de cet esclave constitue une
concordance de plus entre la Lettre 47 et la Cena.
Chacune des diverses notations qui, dans la Cena, entourent l’invitation que
Trimalcion adresse à ses esclaves pourrait donc, si on la considérait isolément, être mise
au compte des habitudes mondaines du temps, et sa convergence avec un détail de la
lettre de Sénèque ne serait dès lors qu’une coïncidence. Mais ce sont l’accumulation et le
choix des éléments qui font sens. Il y a trop de concordances entre la description de
Pétrone et celle de Sénèque pour que le premier ne se soit pas souvenu du second.
Pétrone – et non Trimalcion, nous le répétons – met à l’arrière-plan de cet épisode de sa
Cena la Lettre 47, probablement célèbre au moment où il compose le Satyricon. Mais
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dans quelle intention le fait-il? L’explication qui vient en premier à l’esprit, c’est la
parodie, et la parodie critique. Trimalcion agit avec maladresse: il n’a convié que trois
esclaves à table, mais la domesticité entière en profite pour se précipiter, au grand
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désagrément des convives. Sénèque en revanche prescrivait au maître de partager son
repas avec ses esclaves, mais non avec tous: le choix du maître ne s’adressera qu’aux
esclaves dignes moralement d’être fréquentés, ainsi qu’à ceux qui, sans en être dignes
pour le moment, sont susceptibles en côtoyant leur maître de le devenir. Côtoyer des
honestiores – le terme, ambigu, renvoie à la fois à la hiérarchie sociale et à la supériorité
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morale – les arrachera à la mentalité servile. Mais à la table de Trimalcion, à quel
niveau intellectuel et spirituel le contact du maître élève-t-il les esclaves? Pétrone ne
donne que l’exemple du cuisinier, mais c’est suffisant: le cocus se met à imiter le comédien
Ephesus, et la conversation qu’il engage avec son maître consiste à parier sur les courses
de chevaux. En cela en effet il est bien de plain pied avec Trimalcion, que l’on a vu plus
29 Cervellera (1977-1980, p. 235).
30 Sen. epist. 47,6 alius pretiosas aves scindit; per pectus et clunes certis ductibus circumferens eruditam
manum frusta excutit, infelix, qui huic uni rei vivit, ut altilia decenter secet…
31 Petron. sat. 36,8 ita quotiescumque dicit «Carpe», eodem verbo et vocat et imperat.
32 Iuv. 5,120-124.
33 Sen. vit. beat. 17,2 quare ars est apud te ministrare… et est aliquis scindendi obsonii magister?
34 C’est l’avis de la majorité des critiques: cfr. note 5.
35 Petron. sat. 70,11 paene de lectis deiecti sumus, adeo totum triclinium familia occupauerat. Certe ego
notavi super me positum cocum qui de porco anserem fecerat, muria condimentisque fetentem.
36 Sen. epist. 47,15 “quid ergo? omnes servos admovebo mensae meae?” Non magis quam omnes liberos…
Quidam cenent tecum quia digni sunt, quidam ut sint. Si quid enim in illis ex sordida conversatione servile
est, honestiorum convictus excutiet.