Page 80 - Fabio Gasti (a cura di), Seneca e la letteratura greca e latina. Per i settant’anni di Giancarlo Mazzoli, Pavia, Pavia University Press, 2013
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68 Mireille Armisen-Marchetti
des esclaves”. Non, des compagnons d’esclavage (conservi), si l’on réfléchit que la
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fortune a sur eux et sur nous les mêmes droits».
La similitude des deux textes a été signalée depuis longtemps et appréciée de
différentes façons, comme je le dirai plus tard. L’interprétation la plus courante consiste à
dire que Pétrone moque la lettre de Sénèque. Pour ma part, il me semble que même si cette
idée n’est pas fausse, elle ne suffit pas à épuiser la relation entre les deux textes, et qu’il
s’agit plutôt de deux représentations tout à fait différentes de la hiérarchie sociale. Chez
Trimalcion aussi, maître et esclaves apparaissent comme des conservi, mais en un sens et
avec une portée bien différentes: loin de la seule caricature, la proximité du maître avec la
familia servile constitue un modèle pratique paradoxalement plus souple chez le
richissime affranchi que chez le philosophe stoïcien. C’est du moins ce que je m’efforcerai
de montrer.
Le Satyricon 71,11 évoque la Lettre 47 de Sénèque: cela, tous les critiques le
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reconnaissent depuis le milieu du XIX siècle. En revanche ils se divisent sur
l’interprétation à donner de cette similitude: s’agit-il d’une coïncidence fortuite ou
d’une allusion délibérée de la part de Pétrone au philosophe stoïcien? Et s’il y a
allusion, quel sens lui donner? Le débat a été engagé depuis longtemps, et il a suscité
des réponses diverses jusqu’à nos jours. On trouvera un état de la question dans un
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intéressant article de Maria Antonietta Cervellera, paru il y a une trentaine d’années.
La chercheuse italienne distingue trois types de position. Un premier courant critique
voit dans le passage du Satyricon une référence ironique et/ou parodique à la lettre de
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Sénèque. Pour un autre groupe de chercheurs, le Satyricon renvoie bien à la lettre,
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mais sans qu’il y ait d’intention parodique, voire par un simple effet de mode. Enfin,
une troisième tradition nie tout simplement qu’il existe un lien entre les deux textes,
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voire ne considère les analogies apparentes que comme des coïncidences. M. A.
Cervellera, pour sa part, exclut cette dernière position, et son argumentation consiste à
souligner les parentés textuelles et idéologiques: «Non può del resto sembrare pura
coincidenza il fatto che in Seneca siano presenti i tre elementi fondamentali del cap. 71
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di Petronio». Ces «trois éléments» communs sont la présence du terme et de la notion
d’homines, l’usage de l’adverbe aeque, caractéristique de Sénèque et réutilisé par
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Sen. epist. 47,1 «Servi sunt». Immo homines. «Servi sunt». Immo contubernales. «Servi sunt». Immo humiles
amici. «Servi sunt». Immo conservi, si cogitaveris tantundem in utrosque licere fortunae.
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Le premier à en avoir fait état semble être J. Gotschlich, De parodiis Senecae apud Petronium, Diss.
Bratislava 1863 (cité par Cervellera, 1977-1980, note 7), mais nous n’avons pu y avoir accès.
4 Cervellera (1977-1980, particulièrement pp. 231-232). Nous résumons ses données (dont nous avons vérifié
l’exactitude, et que nous complétons par les ouvrages parus depuis lors), et nous renvoyons à son article pour
plus de précisions.
5 Paratore (1933, p. 24), Perrochat (1939, p. 107), Sullivan (1968, p. 135; 211; 218-219), Walsh (1970, p.
130); se sont ajoutés depuis Amat (1992), Courtney (2001, p. 113: Pétrone réduit la leçon de Sénèque ad
absurdum).
6 Maiuri (1945, p. 22), Marmorale (1948, p. 152).
7 Castorina (1970, p. 45), Stöcker (1970, p. 116).
8 Collignon (1892, p. 305), Richter (1958), Smith (1975, p. 195: «Petronius is not satirizing Seneca; he is
making fun of those who had been less judicious than Seneca in their advocacy of generosity towards
slaves»).
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Cervellera (1977-1980, p. 232).