Page 82 - Fabio Gasti (a cura di), Seneca e la letteratura greca e latina. Per i settant’anni di Giancarlo Mazzoli, Pavia, Pavia University Press, 2013
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70 Mireille Armisen-Marchetti
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l’ancien esclave un hominem inter homines. Mais les ‘connaissances’ philologiques de
Trimalcion, dans les moments où il les étale, révèlent qu’il est incapable de résumer
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l’Odyssée et confond les légendes mythologiques les plus célèbres: dès lors, comment
serait-il capable de lire et de retenir quelque chose de l’oeuvre de Sénèque?
Il arrive pourtant à Trimalcion de traiter de thèmes éthiques: c’est ce qu’il fait dans
deux épigrammes dont il est l’auteur, et qui ont pour sujet, pour la première, la fragilité
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de la vie humaine et la menace de la mort, assorties du motif du carpe diem, et pour la
seconde, le thème de la Fortuna, suivi à nouveau du carpe diem sous la forme d’un appel
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à boire. Je renvoie ici à l’étude qu’a faite A. Setaioli de ces deux poèmes. Il a montré
comment, malgré les coïncidences de façade avec certains préceptes sénéquiens, voire
pauliniens, la pensée de Trimalcion s’avérait banale et pauvre, et en tout cas dépourvue
de tout fondement philosophique véritable.
Rien donc, ni dans le chapitre 71 ni dans le contexte entier de la Cena, ne permet de
penser que Trimalcion, lorsqu’il convie ses domestiques à table et proclame l’humanité
des esclaves, a pour intention de mettre en oeuvre et en scène les préceptes de la Lettre 47
de Sénèque. Mais il ne faut pas confondre Trimalcion et Pétrone. Si Trimalcion ne se
réfère pas à Sénèque, Pétrone, lui, le fait assurément: c’est l’auteur du roman et non son
personnage qui impose un arrière-plan sénéquien, en insérant la déclaration de
Trimalcion au sein d’un contexte signifiant qui rend l’allusion à la Lettre 47 indubitable.
Non seulement Trimalcion convie ses esclaves à sa table, conformément à une
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recommandation qui parcourt toute la Lettre 47 de Sénèque, mais cette invitation et le
commentaire de Trimalcion qui la suit s’inscrivent, comme chez Sénèque, dans le décor
d’un banquet: dès le début de sa lettre, Sénèque prend comme exemple des relations entre
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le maître et sa familia celles qui s’instaurent au cours d’une cena dont il décrit
longuement le faste. L’évocation par Sénèque de la gloutonnerie des maîtres se gorgeant
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de nourriture jusqu’à en vomir a pour correspondant, chez Pétrone, le dégoût manifesté
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à plusieurs reprises devant l’abondance et la lourdeur des mets. Même la petite chienne
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de Crésus, le favori de Trimalcion, est gavée jusqu’à l’écoeurement! Semblable aussi, le
nombre et la diversité des esclaves qui servent à table, avec leurs spécialisations poussées
à l’extrême. Sénèque énumère l’esclave qui nettoie les crachats, celui qui essuie les
vomissures, celui qui découpe les volailles, celui qui sert le vin, celui qui observe les
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convives, les obsonatores préposés au choix des victuailles. De la même façon la Cena
18 Petron. sat. 39,4; 48,4 ego autem si causas non ago, in domusionem tamen litteras didici.
19 Petron. sat. 48,7; 52,1-2; 59,3-5.
20 Petron. sat. 34,10.
21 Petron. sat. 55,3.
22 Setaioli (2004).
23 Petron. sat. 70,10; Sen. epist. 47,2; 8; 15.
24 Sen. epist. 47,2-8.
25 Sen. epist. 47,2 est ille plus quam capit, et ingenti aviditate onerat distentum ventrem ac desuetum iam ventris
officio, ut maiore opera omnia egerat quam ingessit.
26 Petron. sat. 37,1 (c’est Encolpe écoeuré qui parle) non potui quicquam gustare…; 65,1.
27 Petron. sat. 64,6 puer…catellam…nausia recusantem saginabat.
28 Sen. epist. 47,5-8 alius sputa deterget, alius reliquias temulentorum… colligit. Alius pretiosas aves scindit…
Alius vini minister… Alius cui convivarum censura permissa est… Adice obsonatores…