Page 90 - Fabio Gasti (a cura di), Seneca e la letteratura greca e latina. Per i settant’anni di Giancarlo Mazzoli, Pavia, Pavia University Press, 2013
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78 Mireille Armisen-Marchetti

un dialogue avec Trimalcion et une fiction théâtrale, la seconde étant la plus travaillée: le
cuisinier avoue avoir oublié de vider le porc, Trimalcion le condamne au supplice, le
cuisinier s’en désole, et tout ce jeu est si bien au point qu’un convive non prévenu comme
Encolpe s’y laisse prendre. Autre scène réclamant des talents d’acteurs, celle où deux
esclaves, déguisés en porteurs d’eau, feignent une querelle pour briser réciproquement les
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cruches dont ils sont chargés et en laisser échapper des fruits de mer. Dans ces divers
épisodes, les relations de pouvoir entre Trimalcion et sa domesticité s’effacent au profit
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d’une complicité d’histrions, assortie d’une véritable euphorie: Trimalcion jubile, mais
de leur côté les esclaves admirent les spectacles les plus réussis et applaudissent
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nommément le metteur en scène.
Que devient dans un tel contexte le pouvoir de coercition du maître, proclamé
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bruyamment dès le menaçant écriteau de la porte? On a parlé d’une «duplicità di
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comportamento che va dalla generosità piú grande alla severità piú crudele». En fait, un
seul châtiment féroce apparaît dans la Cena. C’est celui de l’esclave Mithridate, crucifié
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pour avoir blasphémé contre le génie de Trimalcion: crime inouï en effet lorsque l’on
connaît la vanité du maître de maison et le souci qu’il a de paraître. Certes, le châtiment
de Mithridate est cruellement disproportionné, mais il faut noter qu’il s’inscrit dans une
perspective générale de démesure: il n’appartient pas au déroulement même de la Cena,
mais il est annoncé dans les acta du domaine, au sein d’une liste où se succèdent les
notations les plus excessives et les plus invraisemblables. Dans le contexte même de la
Cena est mentionné un autre châtiment inhumain, mais sur le seul mode de la menace.
Trimalcion avertit l’esclave Stichus qu’il le fera brûler vif s’il accomplit mal son office,
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mais à ce moment de la Cena ce n’est guère qu’un propos d’ivrogne. De façon plus
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anodine le cuisinier est menacé d’être versé «dans la décurie des coureurs». Deux
esclaves reçoivent, l’un, pour avoir fait tomber une pièce d’argenterie, des gifles, l’autre,
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pour avoir pansé son maître avec un linge trop ordinaire, les verges. Un autre esclave
encore, qui a laissé échapper lui aussi une coupe, est prié de se frapper lui-même, dans un
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souci éducatif. Il arrive aussi que, sur les supplications des invités ou de l’esclave lui-
même, Trimalcion fasse remise d’un châtiment. C’est le cas du garçon qui a laissé
échapper la coupe, ou encore de l’équilibriste qui en tombant a blessé Trimalcion, et qui
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sera même affranchi pour qu’il ne soit pas dit que le maître a été frappé par un esclave.
Malgré la rigueur sourcilleuse qu’il s’efforce d’afficher (que l’on pense à nouveau à
l’écriteau de la porte), Trimalcion n’exerce pas un pouvoir despotique, mais plutôt un


77 Petron. sat. 70, 4-6.
78 Petron. sat. 49,8 Trimalchio… relaxato in hilaritatem vultu…
79 Petron. sat. 36,4 damus omnes plausum a familia inceptum; 50,1 plausum post hoc automatum familia
dedit et “Gaio feliciter!” conclamavit.
80 Cfr. note 68.
81 Cervellera (1977-1980, p. 235), à la suite de Stöcker (1970, p. 115).
82 Petron. sat. 53,3.
83 Petron. sat. 78,2.
84 Petron. sat. 47,13 in decuriam viatorum.
85 Petron. sat. respectivement 34,2 et 54.
86 Petron. sat. 52,4 puer calicem proiecit. Ad quem respiciens Trimalchio: “Cito, inquit, te ipsum caede, quia
nugax es… Suadeo, a te impetres ne sis nugax”. Semonce digne d’un philosophe!
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Petron. sat. respectivement 52,6 et 54,3 et 5.

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